Nous publions un rapport d’expertise et révélons des images inédites des cétacés de l’autre MarineLand, celui situé à deux pas des chutes du Niagara, en Ontario, où végètent dans des bassins petits et sales des bélugas, des dauphins et une orque : Kiska, seule depuis dix ans. Le bien-être des animaux est tellement mis à mal que des problèmes dénoncés il y a une décennie ne sont toujours pas résolus et empirent ! Un scandale de plus au sein de l’industrie de la captivité.
Nous avons écrit à Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France ainsi qu'à Sylvia Jones, solliciteur générale de l'Ontario et à Paula Milne, inspectrice en chef des services de protection des animaux de cette Province (PAWS), et leur avons envoyé le rapport.

L’un de nos enquêteurs s’est rendu dans l’autre MarineLand, celui du Canada, pour voir dans quel état survivaient les cétacés, juste avant la fermeture annuelle pour plusieurs mois. Kiska subit un isolement forcé depuis des années, et tourne en rond dans un bassin minuscule par rapport à sa taille et à sa capacité de nage. Comment se passera leur quotidien à tous, loin des regards, pendant tout l’hiver canadien ?

Un rapport accablant

Au retour de notre enquêteur, les images et informations collectées ont été envoyées à la Dre Ingrid Visser, biologiste marine spécialiste des orques, pour établir un rapport sur l’état de Kiska. Pour la chercheuse qui a visité en personne MarineLand en 2015, 2017 et 2018 et reçu notamment nos images de 2021, les conditions de détention, le comportement ainsi que l’état physique des animaux sont si préoccupants, que le rapport couvre bien plus que la seule orque isolée et négligée, comme nous l’avions prévu initialement.

La qualité de l’eau (page 56), la taille des bassins (page 44) et l’entretien du parc en général font question. L’état mental et physique des animaux est délétère… depuis des années.

Les cétacés sont tous exposés à des problèmes extrêmes de bien-être. Tous présentent des comportements stéréotypés (c’est-à-dire des comportements anormaux et/ou répétitifs).
Un grand nombre d’animaux présentent des blessures, dont beaucoup sont probablement le résultat de comportements d’automutilation et/ou d’agressions et/ou de dommages causés par les bassins.

Solitude de Kiska, surpopulation pour les bélugas

Les bélugas sont les uns sur les autres et, inévitablement dans de telles conditions, soumis à des agressions. Ils tournent en rond, tant et si bien que, comme Kiska, leur corps traduit à travers leurs problèmes physiques, des atteintes mentales et psychiques profondes. Certains ont les dents usées jusqu’aux gencives, le corps déformé…

Dans les bassins de l’amphithéâtre des spectacles, on peut trouver deux otaries, cinq dauphins et deux bélugas. Ces animaux ne devraient pas partager le même système de bassins, puisque les températures requises pour chaque espèce sont radicalement différentes (tempérée pour les unes, polaire pour les autres). Ces derniers devaient, encore en 2020, porter des humains sur leur tête (page 29) ! Les dauphins, eux, ont la peau parsemée de traces de morsures, spécifiques à l’enfermement, et sont maintenus dans un bassin minuscule.

Kiska, de son côté, passe sa journée au ralenti, à raser les murs du bassin toujours dans le même sens. Tant et si bien que sa nageoire dorsale s’affaisse, ce qui est typique d’un problème de santé et d’un manque d’exercice (page 5). Parfois, elle souffle dans l’eau pour faire des sortes de bouillons, et régulièrement génère des vagues si fortes, près de la « plage » du bassin, qu’on croirait qu’elle se frappe la tête contre la vitre (page 15). Pour s’occuper. Des trois jours où notre enquêteur était sur place, à aucun moment le parc n’a mis d’enrichissement à la disposition de Kiska pour rompre son ennui.

Seuls les repas cassent la monotonie des jours. Nous avons pu filmer le lavage de ses dents, par ailleurs en piteux état et quasiment comparables à celles d’Inouk en France… Nombreuses sont celles qui sont rongées jusqu’à la pulpe (page 7), ce qui est aussi douloureux pour les orques que pour les humains. Le résultat d’années de captivité passées à ronger le bord des bassins, à souffrir de nombreuses régurgitations à cause du stress, et à ne pas même utiliser ces dents pour manger (tout lui est versé directement dans la gorge) (page 9). De plus, même les soins lui sont appliqués de manière discutable : un liquide de type Bétadine est envoyé sous pression sur les dents et coule le long de ses lèvres (page 8)… Or ce mélange ne doit en aucun cas être ingéré, mais c’est inévitable ! Le rapport d’Ingrid Visser révèle par ailleurs qu’une blessure ouverte qu’elle avait à la queue il y a neuf ans n’a toujours pas cicatrisé (page 14). La vie dans un delphinarium, dans les faits, c’est ça.

La fermeture annuelle du delphinarium est un moment critique, car aucun observateur extérieur ne peut plus révéler les problèmes. Nous sommes très inquiets de ce qui peut arriver à Kiska et à l’ensemble des animaux enfermés au MarineLand du Canada derrière les barrières closes. Nous n’oublions pas le destin tragique de Femke et l’envoi des autres dauphins du Parc Astérix (en France) dans d’autres delphinariums européens l’année dernière, pour continuer à se faire exploiter...

Un delphinarium vétuste en quête de reconversion ? Quid des animaux ?

Tout tend à montrer que le delphinarium est en déliquescence et qu’aucun investissement n’est fait depuis des années. Autour des bassins et près de l’enclos des ours, une multitude de mouettes cherche à grappiller la nourriture des bélugas lors des « démonstrations pédagogiques » ou celle des ours bruns, distribuée par les visiteurs à longueur de journée. De la fiente s’étale partout, pas nettoyée d’un jour sur l’autre : sur les bords des bassins, sur le sol, etc. (page 38). Au risque de transmettre de nombreuses maladies aux visiteurs, notamment aux enfants. Les ours se morfondent dans leur enclos, la plupart restent au loin et tournent même le dos aux visiteurs, dans une vaine tentative d’oublier où ils se trouvent. Deux ou trois gourmands se baignent aux pieds des clients du parc qui leur jettent de la nourriture achetée au kiosque juste avant.
Les morses, dont Smooshi, auparavant l’une des attractions du parc, ont disparu. Que sont-ils devenus ?

Sous les bassins, de grandes vitres sales permettent de voir les cétacés. Il y a des fuites partout, de la vase et des algues poussent aux jointures. Des panneaux indiquent que les fuites ne constituent aucun danger et qu’elles devraient se résorber d’elles-mêmes… Les mêmes panneaux photographiés des années auparavant montrent bien l’inverse (page 36) ! De qui se moque-t-on ?

L’un des signes qui, avec une fréquentation en berne (le peu de manèges ouverts sont quasiment vides, les allées aussi), montre que les actuels propriétaires pourraient être en train de chercher à vendre le parc, animaux compris. Quel serait alors leur destin ?
Selon une source locale, parmi les clients potentiels pourrait figurer l’un des groupes les plus mondialement connus du secteur du divertissement… Mais cette information reste à confirmer.

Le nombre et la portée des violations du règlement 444/19 de l’Ontario (NB : page 59) sur le bien-être des animaux sont considérables. [...] Il est recommandé que ces cétacés soient déplacés dès que possible dans un véritable sanctuaire en bord de mer.

Une pétition pour libérer Kiska est en ligne. Nous comptons sur vous.

Évaluation de la situation des cétacés, détenus à MarineLand au Canada, Niagara Falls, Ontario.

Rapport préparé par Dr Ingrid N Visser (Phd), Tutukaka, Nouvelle-Zélande